Ecrire Micro-expériences

Nouvelle – Cas de conscience

La nouvelle Cas de conscience est en ligne sur le site du  concours de nouvelles du Prix littéraire Ecrire au Féminin 2015

Si vous aimez, n’hésitez pas à voter et partager jusqu’au 31 août 2015.

« Sam s’est immiscé dans ma vie progressivement. Il est aujourd’hui de plus en plus présent. Quand il rentre du travail vers 14h, harassé de fatigue, un rien le met en colère. Si je n’ai pas eu le temps de finir la vaisselle du midi, le ton commence à monter. Je m’exécute, il part alors faire sa sieste. Il se montre plutôt gentil quand les enfants rentrent de l’école, mais le répit est de courte durée car très vite, le bruit l’énerve. Il peut entrer dans une colère folle, m’isole dans la cuisine pour faire pleuvoir sur mon dos quantité de reproches : « tu n’es pas une bonne mère, regarde comment tu les éduques, ils sont incapables de se taire ». Les premiers coups tombent, dans le dos, ça se voit moins. Une fois sa rage passée, il me laisse tranquille pour que je puisse préparer le repas. Si jamais il ne trouve pas ça à son goût, je sais que je vais dérouiller une fois les enfants couchés. Personne ne sait ce qui se passe réellement. Les enfants l’entendent juste crier, ils ne l’ont jamais vu me frapper. Les traces, je les masque sous le maquillage. Quand Sam me frappe, je sais au fond de moi qu’il a raison. Je suis femme au foyer, je dois faire en sorte que la maison soit bien tenue, les enfants bien élevés, les repas bons. Je me lève aux aurores pour lui préparer sa gamelle. Je suis épuisée, alors parfois, tout n’est pas parfait, c’est pour ça qu’il me fait des reproches.

 Je préfère clairement mon mari. Il est beau, fort, puissant, viril. Nous avons eu ensemble deux beaux enfants. J’aime le voir jouer avec eux, leur lire une histoire. Il est tendre avec moi, il me couvre de câlins quand je suis en pleurs, quand j’ai mal. Il dit que je ne mérite pas que l’on me fasse du mal. Il ne me dit pas que je suis belle, que le repas est bon, mais je peux le lire dans ses yeux, j’en suis sûre. Il n’est pas très expansif, c’est tout. Il ramène un salaire confortable, il nous permet de partir en vacances. Son travail est usant, épuisant, je fais tout pour qu’il puisse se reposer à la maison. On ne peut pas dire qu’il connaisse Sam. Ils ne sont jamais là en même temps finalement. Il aimerait bien lui faire la peau quand il voit dans quel état Sam m’a mise, mais il n’a jamais réussi. Il a peur que je ne parte de la maison, pour fuir Sam. Pour aller où ? De toute façon, Sam me retrouverait, il m’enlèverait mes enfants. Je n’ai nulle part où aller, pas de travail. Et puis, je ne peux partir qu’avec mon mari, ma moitié. Sans lui, je m’écroulerais.

16h, mon mari n’est pas encore rentré du travail. J’ai hâte, j’ai une bonne nouvelle à lui annoncer, Sam ne reviendra pas. La maison est clinquante, la cuisine et la salle de bain briquées de fond en comble, il n’y a plus une goutte de sang visible.« 

Juillet 2015

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