Ecrire Micro-expériences

Nouvelle – Il sentait bon

La nouvelle

Qui de nous deux… est en ligne sur le site du  concours de nouvelles du Prix littéraire Ecrire au Féminin 2015

Si vous aimez, n’hésitez pas à voter et partager jusqu’au 31 août 2015.

« « D’où vient cette odeur ? »
« De quelle odeur parlez-vous lieutenant ? Nous sommes dans une morgue, près d’un corps en décomposition. Les odeurs sont forcément multiples et intenses. »
« Mais si, cette odeur bizarre… de l’essence… de l’huile… arrgggh, il y en a une autre, que je n’arrive pas à identifier. »
Je me penchais vers le cou de la victime, qui portait une trace de strangulation, puis vers ses poignets qui avaient été ligotés. L’odeur était plus présente à ces endroits là, preuve qu’elle venait de l’assassin et non de la victime.
« Ce n’est pas grave Docteur Lanchaud, je finirai par trouver ! »
Je quittai la pièce, rageant intérieurement sur cette odeur qui se défilait et qui j’en étais persuadée, était la clé de l’enquête.

« Tiens, voilà Madame Nez les gars, j’espère que vous n’avez pas forcé sur le parfum, ça la rend agressive ! »
« Bien moins que les connards dans ton genre Delanoy ! Ne la ramène pas trop, tes odeurs corporelles pourraient en dire long sur ton manque d’hygiène… intime ! »
Je claquai la porte de mon bureau. J’étais inspectrice, un métier qui m’était apparu comme une évidence vu mon don. Je souffre d’hyperosmie et j’ai fait de ce handicap un atout pour ne pas vivre l’enfer. Je mémorise toutes les odeurs que je rencontre, je les classe, non pas en bonne ou mauvaise, mais en fonction de leur origine. En me concentrant là-dessus, je passe outre les nausées et maux de tête provoqués par ma trop forte sensibilité aux odeurs. Je suis devenue un grainetier d’odeurs ambulant.
J’ai un nez puissant, mais pas délicat. Chez moi, les odeurs ne procurent aucune émotion. Elles sont des informations. Laisser place à l’émotion, c’est courir le risque d’être à nouveau malade. Mon nez, ma mémoire des odeurs et la grande maîtrise de mes émotions ont été de réels points forts dans ma carrière. J’ai gravi les échelons un à un, et me suis fait remarquer grâce à mes capacités olfactives bien utiles sur quelques enquêtes.
Celle que l’on venait de me confier s’avérait coriace et j’avais l’intime conviction que l’on avait affaire à un tueur en série.
Mais aucune piste, aucune identité, aucun indice sauf cette odeur mêlée d’huile et d’essence qui ressemblait à celle que l’on trouve chez les mécaniciens…
« Delanoy, apportez moi d’ici 15 minutes, un relevé de tous les garagistes dans un rayon de 50 km, nom et prénom de tous les employés. »
« La chienne renifleuse a encore frappé les gars ! Au boulot ! »

Je n’avais pas vraiment de stratégie pour aller à la rencontre de ces garagistes. Il fallait juste que je puisse les sentir.
J’y allais cash, présentant ma plaque et le portrait robot de la victime. Je ne m’attendais pas à ce que l’un d’eux m’avoue la connaître mais j’observais leur réaction… et je les sentais. Ils sentaient tous l’huile, l’essence, la poussière, l’eau de Cologne. Ils cherchaient tous dans leur mémoire si ce visage leur disait quelque chose. Aucun n’afficha de la peur. Aucun ne fut agressif.

Une rencontre me troubla. L’homme jeta à peine un œil au portrait robot. Par contre, il ne me quitta pas des yeux. Il fixa son regard bleu azur au mien et n’en décrocha pas. C’était assez gênant et… excitant. Sur sa peau, l’essence, l’huile, le métal et son parfum musqué réagissaient merveilleusement bien. J’étais troublée.
Je ressassai cette rencontre toute la nuit. Si cette enquête ne me menait pas à l’assassin, elle pouvait peut-être me guider vers ma moitié. J’errais d’homme en homme depuis des années, au gré de mes lubies olfactives : les Chanel, les Azzaro, les Dior… J’allais sans doute vite en besogne sur ce coup-là, mais qui ne tente pas sa chance…

« Vous ne pouvez déjà plus vous passer de moi ? », me lança-t-il sourire en coin quand je débarquai au petit matin.
« Il faut croire… j’aurais besoin d’approfondir un peu votre personnalité… »
« Alors, vous me suspectez ? » dit-il d’un air contrit.
« J’aimerais juste mieux vous connaître si vous voyez ce que je veux dire… » minaudai-je.
« J’habite à côté, on peut aller prendre un café chez moi si vous voulez. »
« OK, je vous suis. »
« C’est bizarre que vous soyez seule sur cette enquête. Je croyais qu’on faisait tout à 2 dans la police. »
« Il faut croire que non… »
« Entrez, la cuisine est à droite. »
Alors que je pénétrais dans la cuisine, j’entendis un verrou se fermer, puis deux. J’eus le temps de me saisir de mon arme, me retournai et la pointai sur lui. Je ne fus pas surprise de voir qu’il faisait de même.
« Je vois que nous aimons les mêmes préliminaires chère demoiselle… », fit-il les yeux pleins de malice.
« Et tes victimes, elles les aimaient aussi ces préliminaires ? » dis-je sévèrement. Il ne se troubla pas…
« Hum hum, on commence à s’amuser, ça me plaît ! »… Mais sa réplique sonna faux, j’enfonçai le clou.
« Allez facilite-moi la tâche, dis-moi où sont les corps ! »
« Alors c’est ça votre scénario excitant avant une partie de jambes en l’air ! », répliqua-t-il tentant de conserver le ton d’un jeu.
« Baisse ton arme si tu veux savoir », lui dis-je d’un ton suave tout en pointant mon arme vers le bas.
« A quoi jouez-vous ? Vous n’êtes pas comme les autres, vous êtes dangereuse, qu’on en finisse maintenant » s’énerva-t-il.
Mon équipe fit alors irruption. Profitant de l’effet de surprise, je désarmai celui à qui j’aurais bien mis, malgré tout, des menottes dans d’autres circonstances et le plaquai au sol.
Je lui susurrai à l’oreille : « ton odeur t’a trahi…tes victimes ont toutes laissé leur empreinte olfactive sur toi !  » « 

Juillet 2015

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